Après six années de silence, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, est réapparu sur la scène politique avec un discours au ton grave et offensif. Dans une adresse solennelle à la nation, il a annoncé un ambitieux « pacte citoyen » en 12 points, destiné à sortir le pays d’une « crise multidimensionnelle » qu’il impute directement au régime en place. À travers ce pacte, il appelle à un sursaut national face à ce qu’il décrit comme une dérive autoritaire et une déliquescence de l’État.
Fustigeant une gouvernance qu’il juge désastreuse, Kabila affirme que la RDC a sombré dans un chaos institutionnel, économique et sécuritaire depuis son départ du pouvoir en 2019. Il accuse notamment le gouvernement actuel d’avoir « violé délibérément la Constitution », en manipulant les institutions clés comme la Cour constitutionnelle ou la Commission électorale nationale indépendante. Il évoque les élections de décembre 2023 comme un « simulacre » entaché de fraudes massives, qui ont, selon lui, vidé les institutions de leur légitimité.
Dans cette même dynamique, Kabila a dénoncé la situation sécuritaire particulièrement critique à l’Est du pays. Il y voit non seulement un abandon par Kinshasa, mais aussi une véritable « punition » infligée aux populations locales. Annonçant un déplacement imminent à Goma, il a critiqué les décisions « arbitraires » prises par le pouvoir à la suite de simples rumeurs concernant sa présence sur place. Ces mesures, comme la coupure du réseau bancaire local ou les restrictions de circulation, auraient selon lui asphyxié la région.
« Ces décisions et bien d'autres vous asphyxient et rendent votre vie plus précaire que jamais », a-t-il lancé à l’intention des habitants de l’Est, qu’il accuse le pouvoir de vouloir isoler. Pour l’ancien chef de l’État, l’armée, la justice et les institutions sécuritaires doivent redevenir des instruments au service du peuple.
Ce retour sur le devant de la scène marque une rupture avec le devoir de réserve qu’il s’était jusqu’ici imposé. Il affirme aujourd’hui parler par devoir patriotique, face à une situation qu’il estime critique pour la survie même de la nation. S’il évoque les acquis de son règne, paix relative, institutions consolidées, armée en reconstruction, il estime que ces fondements ont été dégradés, voire démantelés.
Parmi les douze points du « pacte citoyen », figurent la fin de la dictature, la restauration de l’autorité de l’État, le retrait des troupes étrangères, la réconciliation nationale et la relance du développement. Il insiste sur la nécessité de respecter les initiatives locales de paix, notamment celles portées par les Églises catholique et protestante, et dénonce le « deux poids, deux mesures » du pouvoir qui dialogue avec certains groupes armés à l’étranger tout en réprimant d’autres efforts de médiation internes.
Clôturant son discours par un appel à l’unité, Kabila exhorte les Congolais à se mobiliser pour défendre l’indépendance et l’intégrité du pays. « Le Congo vaut mieux que la caricature qu’en donnent ses dirigeants actuels », a-t-il déclaré, réaffirmant son engagement, au-delà du pouvoir, à œuvrer pour la paix et la stabilité. Un message qui, à défaut de faire consensus, remet en lumière un acteur politique que beaucoup pensaient définitivement retiré.
Plamedi MUZAMA